Le poème Kim Vân Kiều (3254 vers) ou Đoạn Trường Tân Thanh



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Le poème Kim Vân Kiều (3254 vers) ou Đoạn Trường Tân Thanh,

de Nguyễn Du mis en musique par le compositeur Quách Vĩnh Thiện : une œuvre sans précédent
Par Lê Mộng Nguyên

C’est grâce à la transcription par l’alphabet latin de la langue annamite s’écrivant en caractères chinois, et à laquelle est attaché le nom du R.P. Alexandre de Rhodes, que  les récits qui n’ apparurent au 14e siècle que sous l’appellation de « truyện nôm » (écriture basée sur des combinaisons sémantiques et phonétiques provenant des caractères chinois), parvinrent à leur plein épanouissement aux 18e et 19e siècles en raison de leur conversion en langue nationale (fondée sur des lettres occidentales). Parmi les romans en « quốc ngữ » de l’époque (Nhị Độ Mai, Phượng Hoa, Thạch Sanh…), c’est le Truyện Kiều (TK) ou Kim Vân Kiều (KVK) ou encore Đoạn Trường Tân Thanh (ĐTTT) de Nguyễn Du qui se détache nettement du lot, parce qu’il est « non seulement le chef-d’œuvre du genre, mais aussi le grand monument littéraire du Vietnam » (1). Kim Vân Kiều en effet, échappe aux clichés des écrivains d’alors encore imprégnés de la morale confucéenne (importée au Vietnam par mille ans de domination chinoise de 111 av. JC à 931 de notre ère), et dont les principes rigoureux veulent que dans un roman, il y ait, « d’un côté les personnages bons, vertueux, fidèles à la couronne, de l’autre les méchants qui flattent les mauvais penchants du prince pour mieux le trahir. Les dénouements font immanquablement triompher les vertus, à la grande satisfaction du lecteur… » (2).

Par la création d’une extraordinaire originalité, l’auteur de KVK, « le grand poète NGUYỄN DU, est parvenu d’une part à réduire l’antagonisme obligatoire des caractères pour camper des personnages vivants et d’autre part à renouveler les images anciennes en les fondant dans une langue limpide et harmonieuse. Par la vérité des notations psychologiques, l’acuité de l’observation sociale, les correspondances délicates entre les paysages et les états d’âme, la poésie intense qui se dégage d’une forme qui épouse tour à tour et avec une aisance souveraine élégie et épopée, poème descriptif et poème narratif, réalisme et lyrisme, Nguyễn Du a réalisé une œuvre admirable de profondeur humaine, capable de supporter la comparaison avec les plus beaux chefs-d’œuvre de la littérature occidentale » (3).

Voilà pourquoi KVK de Nguyễn Du a été classé par l’Unesco parmi les œuvres patrimoniales de l’humanité. C’est pourquoi le travail de mise en musique du poème entier de Nguyễn Du (3254 vers) par le compositeur QUÁCH VĨNH THIỆN ( 7 CD KVK – 77 chansons & 7 CD « Le Destin » : Musique et Harmonie), ne peut être que grandiose. C’est un défi et surtout : une œuvre sans précédent. Certes, avant QVT : avec « Kiều Ca » (Le roman de Kiều en chansons), THU HÀ et son groupe d’artistes, ont réalisé 2 CD de 2 heures, comprenant une partie déclamatoire nommée « Kiều Lẫy », qui consiste à ramasser quelques vers par-ci par-là et à en faire des morceaux à déclamer pareillement à nos vénérables anciens d’autrefois, et une partie avec des vers choisis pour en faire des chansons modernes… Certes, avant QVT : la chanteuse de réputation internationale BÍCH THUẬN a dans son CD « Kim Vân Kiều » tout déclamé selon le mode « Tao Đàn » dont le poète Đinh Hùng fut le fondateur dans les années 60 pour déclamer la poésie moderne et le grand compositeur PHẠM DUY a fait également quelques essais sur l’œuvre de Nguyễn Du… Mais nul n’a pu avoir l’audace comme QVT de mettre en musique dans 7 CD – 77 chansons, tous les vers (du No 1 au dernier No 3254) de KVK ! Il a, de cette manière-là, suivi l’exemple de « Debussy (qui) montre qu’un vrai musicien peut tout oser et faire de ses audaces des beautés nouvelles » (Romain Rolland).


Si ce travail de longue haleine a pu être entrepris et achevé aujourd’hui, c’est grâce au courage et à la volonté sans faille de l’ auteur QVT qui veut – par son talent de musicien et par tous les moyens électroniques dont il peut disposer en tant qu’ ingénieur informaticien – servir noblement la culture en général et son pays natal en particulier. C’est précisément en ce sens que l’érudit Phạm Quỳnh déclara en 1924 à Hanoï, afin de commémorer l’anniversaire de la mort du grand poète : « Si Truyện Kiều demeure, notre langue demeurera ; si notre langue demeure, notre pays demeurera. Tant que notre pays demeurera de génération en génération, et que nous ferons partie des générations postérieures à la vôtre, nous nous efforcerons de tout cœur de soigner notre style et la manière d’écrire la langue du pays, afin que l’élite de la nation soit de jour en jour plus éclatante, que l’esprit de la nation soit de jour en jour plus éveillé, que sa destinée soit de jour en jour plus honorable, pour arriver peut-être à ne pas trahir la grande ambition de notre Maître, qui dans l’au-delà serait encore satisfait d’une réputation par interposition » (4). Le critique Vũ Đình Long - dans la revue Nam Phong - Vent du Sud 1924 – ne tarit pas d’éloges pour Kim Vân Kiều : « Truyện Kiều est sans conteste un instrument de musique fort précieux parce que sans sillet et sans corde. L’auteur utilise le bout de la langue pour faire éclore la voix, chaque paragraphe est une note, chaque vers est un air de chant, chaque mot est une main d’où sortent des sons gémissants comme l’eau de pluie qui dégoutte le long du mur ou un cri strident et de désolation ; dans la nuit profonde de veille, si l’on entend une belle voix déclamer KVK, aucun autre instrument de musique ne peut alors l’égaler… Le vénérable Monsieur Nguyễn Du n’est pas un poète, mais le vrai Génie de la Poésie ! » (5). Si nos anciens jadis déclamaient KVK, aujourd’hui grâce à QVT, nous chantons KVK. Et l’on peut dire que le critique Vũ Đình Long (v. supra) avait, à cet égard, une vision de l’avenir. Dans ce travail merveilleux qui a porté ses fruits, le compositeur a pu s’appuyer sur un groupe d’interprètes de talent et de réputation internationale pour la réalisation de ses rêves : les chanteuses Quỳnh Lan, Hương Giang, Tố Hà, Mai Thảo, Mỹ Dung, Hải Phương et chanteurs Xuân Phú et Thùy Long.
Au cours de la Journée Culturelle du 27 janvier 2008 organisée au Restaurant Đào Viên à Paris 13, l’auteur QVT en présentant ses 2 CD KVK 1 « Trăm Năm Trong Cõi Người Ta » (Cent ans dans une vie en ce bas monde) et KVK 2 « Bên Tình Bên Hiếu » (L’Amour d’un côté, la Piété filiale de l’autre), fit une confidence à ses amis : « Truyện Kiều n’est pas seulement un cri douloureux sur la condition d’une fille talentueuse et belle, mais également une accusation vigoureuse à l’encontre des injustices et cruautés d’une société en proie au désordre et corrompue aux 18 et 19ème siècles. Nguyễn Du pleure sur la condition de Thúy Kiều qui n’est que le reflet de son état d’âme. Truyện Kiều est une œuvre riche et achevée du peuple vietnamien ». Sur les ondes de Radio Free Vietnam – New Orleans le mercredi 12 mars 2008, j’ai invité les auditeurs à savourer la chanson No 7 du CD KVK 1, intitulée « Mộng Triệu Mạch Tương » (Interprétation des songes, Source des larmes, 235-270), et interprétée par le chanteur (Baryton) Thùy Long et dont les paroles sur l’harmonie entre le paysage et les sentiments sont d’une très grande beauté :
Bâng khuâng nhớ cảnh nhớ người

Nhớ nơi kỳ ngộ vội rời chân đi

Một vùng cỏ mọc xanh rì

Nước ngâm trong vắt thấy gì nữa đâu…

[Poussé par son ardent plaisir de revoir le paysage,

De revoir l’être aimé, de revoir le lieu de la rencontre merveilleuse, en hâte il s’y rendit,

L’herbe était là dans sa foisonnante verdure,

L’eau limpide y dormait… et c’était tout (6)]
La musique de QVT s’accorde très bien avec la description romantique de la nature et de l’homme dans le sens voulu par l’auteur de ĐTTT. C’est également sur RFV – New Orleans (le 23 juillet 2008) qu’après avoir parlé du CD KVK 3  « Quyến Gió Rủ Mây » (891-1312) composé de 11 morceaux, j’ai choisi la chanson No 10 : CHƯƠNG ĐÀI (Le saule de Chương Đài, 1233-1274) interprétée par la célèbre chanteuse HƯƠNG GIANG qui exprime – de sa voix basse, chaude et profonde (accompagnée magnifiquement par QVT à la guitare) toute la tristesse de Kiều qui vit en exil, loin de sa famille. Ici, la jeune fille sacrifiée se trouvant en union avec le paysage, on a l’impression que la nature peut s’attrister de la voir malheureuse : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? » (7) :
Cảnh nào cảnh chẳng đeo sầu

Người buồn cảnh có vui đâu bao giờ

[Quel paysage n’eut été chargé de sa mélancolie ;

Pour un cœur triste est-il un paysage joyeux ? (8)]

Dans le même ordre d’idées, une autre chanson, le No 6 du CD KVK 3 : « Buồn Trông » (Un regard triste, 1047-1092) interprétée par QUỲNH LAN dont la voix de Mezzo soprano nous plonge dans une douce mélancolie accompagnée de rêverie :


Buồn trông cửa bể chiều hôm

Thuyền ai thấp thoáng cánh buồm xa xa

Buồn trông ngọn nước mới sa

Hoa trôi man mác biết là về đâu

Buồn trông nội cỏ rầu rầu

Chân mây mặt đất một màu xanh xanh

Buồn trông gió cuốn mặt doành

Ầm ầm tiếng sóng kêu quanh ghế ngồi

[Tristement, elle regardait l’estuaire à l’approche du crépuscule : quelle était cette barque dont la voile apparaissait et disparaissait dans le lointain ? Tristement, elle regardait le fleuve se déverser dans la mer : ces fleurs qui flottaient éparses à la dérive, où pourraient-elle bien échouer ? Tristement, elle regardait la prairie où l’herbe se fanait : terre et ciel à l’horizon se confondaient dans une même teinte bleuâtre. Tristement, elle regardait le vent tourbillonner dans la baie : le tumulte des vagues venait l’assaillir autour de son siège (9)] Nguyễn Du n’est-il pas – de par ces vers d’un romantisme très lamartinien – un écrivain impressionniste et Quách Vĩnh Thiện un compositeur impressionniste qui s’efforce d’exprimer dans ses œuvres musicales les impressions que suscitent la nature, le paysage et les sentiments ?


Faute de temps, il m’est impossible de faire une analyse approfondie des CD : KVK 4 « Tài Tử Giai Nhân » (La Belle et l’Élégant), KVK 5 « Cá Chậu Chim Lồng » (Poisson en cuvette, Oiseau en cage), KVK 6 « Hại Nhân Nhân Hại » (Nuire aux autres, vous sera rendu) et KVK 7 « Chữ Tài Chữ Mệnh » (Talent et Destinée), mais ils sont tous (je m’en porte garant) de la même veine. J’attire cependant votre attention pour terminer, sur le sens moral de l’héroïne de ĐTTT évoqué dans le CD KVK 4, avec la chanson No 5 « Yếm Thắm Trôn Kim » (Faits dévoilés, 1475-1514) interprétée magistralement par MAI THẲO et dont voici l’historique : « … Un jeune lettré, riche, noceur, Thúc Sinh tomba éperdument amoureux d’elle, racheta sa liberté, l’épousa en second rang. Après un an de bonheur tranquille, Kiều inquiète, conseilla à Thúc Sinh de revenir au foyer pour prendre des nouvelles de la dame Hoạn, sa première femme, fille de ministre, dans le but de sonder et régulariser la situation matrimoniale… » (10) :

Nàng rằng non nước xa khơi

Sao cho trong ấm thì ngoài mới êm

Dễ lòa yếm thắm trôn kim

Làm chi bưng mắt bắt chim khó lòng

Đôi ta chút nghĩa đèo bòng

Đến nhà trước liệu nói sòng cho minh

Dù khi sóng gió bất bình

Lớn ra uy lớn tôi đành phận tôi

Hơn điều giấu ngược giấu xuôi

Lại mang những việc tày trời đến sau
C’est enfin QUỲNH LAN (CD KVK 7 « Chữ Tài Chữ Mệnh » - Talent et Destinée, Chanson No 11 portant le même nom), à laquelle revient la responsabilité de présenter la 77ème et dernière chanson de QVT et de conclure sur la philosophie du bouddhisme inspiratrice de l’œuvre du grand poète Nguyễn Du :
Thiện căn ở tại lòng ta

Chữ tâm kia mới bằng ba chữ tài

[La racine du bien réside en nous-même,

Cultivons cette bonté du cœur qui vaut bien plus que le talent – (11)]
L’auteur de KVK voulait - comme l’érudit Trần Trọng Kim (12) l’a écrit : « … que nous gardions chacun notre cœur pur et noble, même s’il nous arrive un malheur, nous ne changerons pas d’attitude, car la bonté du cœur est en nous . Cette conclusion est très significative, qui donne matière à réflexion ».
Lê Mộng Nguyên

Bussy Saint Georges, le 12 avril 2009




NOTES :

  1. Bùi Xuân Bào, Naissance et évolution du roman vietnamien moderne 1925-1945, Ed. Đường Mới, Paris 1885, pages 9-10.

  2. Id. Ibid.

  3. Id. Ibid.

  4. Tạp Chí Nam Phong (Vent du Sud), No du mois d’août-1924 (Traduction française de Lê Mộng Nguyên).

  5. Traduction française de Lê Mộng Nguyên.

  6. Lê Hữu Mục-Phạm Thị Nhung-Đặng Quốc Cơ, Truyện Kiều và tuổi trẻ, Paris 1998, page 530 (Kiều et la jeunesse)

  7. Extrait du poème « Milly ou la terre natale » (III, 2) de Lamartine (1790-1869)

  8. Truyện Kiều và tuổi trẻ (Kiều et la jeunesse), page 529.

  9. Ibid., page 570.

  10. Ibid., pages 525-526.

  11. Id., Ibid., page 581.

  12. Nguyễn Du, Truyện Thúy Kiều (Đoạn Trường Tân Thanh) : Bùi Kỷ và Trần Trọng Kim HIỆU KHẢO (Tựa - Trần Trọng Kim : page XXXIII), Institut de l’Asie du Sud-Est.

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